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Lapin samurai et chat détective – Les jeux à animaux anthropomorphes

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La publication du kit de découverte de l’univers de jeu Historia pour D&D5 dans une ambiance « Renaissance dark fantasy » – sur lequel Le Fix a jeté un œil – m’a donné envie de porter un regard global sur les univers rôlistiques à animaux anthropomorphiques.

Je ne me souviens pas à quel moment précis j’ai plongé dans ce genre d’univers. Cependant, je crois pouvoir citer, sans trop me tromper, le trio des œuvres qui m’en ont ouvert la porte. Les Fables (publiées entre 1668 et 1694) de Jean de la Fontaine, bien avant que je ne découvre celles d’Ésope. Le Roman de Renart (recueil de textes pour la plupart anonymes, XIe-XIIIe siècles), que j’avais lu dans un français du XXe siècle et non de ces temps romans. Et le dessin animé Robin Hood / Robin des Bois (1973), des studios Disney (avant d’en vérifier le nom du réalisateur pour écrire cet article, j’aurais été incapable de vous dire qu’il était de Wolfgang Reitherman).

Ces trois œuvres avaient semé en moi les graines de ce qui fait qu’aujourd’hui encore, j’ai de l’affection pour divers univers à animaux anthropomorphes, en romans, en BD, et, bien sûr, en jeu de rôles.

 

C’est Jung qui a cogité la fiche de PJ ?

Pour le dire vite, les animaux anthropomorphes sont des êtres au comportement plutôt humain et à l’apparence à mi-chemin de l’animal et de l’humain. Ils sont généralement dotées de quelque chose qui se rapproche de mains préhensiles et, quand c’est « plausible » – dans une telle perspective au moins ! – de la station et de la marche bipèdes. Les anglophones parlent du genre furry, même si, par extension, on se sert du mot pour désigner d’autres animaux que ceux strictement à fourrure (fur).

Et dans cette approche, le type d’animal conditionne en grande partie le trait principal du caractère du personnage en question, en tenant compte des références culturelles des différentes civilisations humaines, et de leur évolution au fil des temps. Ainsi, ici le chien sera fidèle, l’ours, costaud, le rhinocéros, pataud mais fonceur, le renard, rusé, la tortue, sage.

Aux détracteurs des animaux anthropomorphes, qui les trouvent caricaturaux et puérils, je réplique souvent qu’en lorsqu’ils jouent dans un univers rôlistique à « races humaines et semi-humaines », ils suivent un chemin tout à fait similaire. Le nain est colérique, le hobbitt, débrouillard, l’elfe, hautain, l’orc, cruel, le wookie a un grand cœur. D’ailleurs, même sans entrer dans le catalogue des « races rôlistiques », nombreux sont les JdR qui proposent aux joueurs d’incarner des « archétypes », c’est-à-dire des sortes de modèles premiers qui cristallisent nos mythes et légendes partagés : le héros tueur de monstres, la princesse à sauver, le voleur au grand cœur, la marâtre jalouse, le traître invétéré. Les rôlistes y ont ajouté quelques nouveautés, comme le rat (tiens !) de bibliothèque névrosé et maniant le calibre 12 contre les goules cthulhuesques, pour ne citer que celui-là.

Alors, même sans se forcer à lire les travaux de Jung, pourquoi ne pas donner leur chance aux animaux anthropomorphes autour de votre table de JdR ?

Prête-moi ta plume… et ton poil

Je n’aurais pas la prétention de brosser ici le panorama exhaustif des JdR à animaux anthropomorphes (j’en ai passé une petite cinquantaine en revue, en m’aidant des sites du GROG et de RPGgeek, principalement), et plutôt que de m’en tenir à une litanie chronologique, je tente une typologie, avec toutes les limites que comporte ce genre de catégorisation. N’allez donc pas crier à l’oubli assassin ou à l’erreur de classification, si vous remarquez quelque manque ou ne partagez pas mes vues.

Mon premier angle est celui de la place et de la variété de ces animaux anthropomorphes dans l’univers du jeu. Ainsi, dans Pugmire ou dans Mouse Guard / Les légendes de la Garde, tous les PJ sont de la même espèce : des chiens dans le premier, et des souris dans le second. Dans Ironclaw, Usagi Yojimbo, Urban Jungle, ou Historia, l’univers n’est peuplé que d’animaux anthropomorphes (et d’animaux « normaux » !). Enfin, dans d’autres jeux, comme Other Suns (autre vétéran), Nightprowler, Tigres volants, ou encore Terra Incognita – Voyages aux Pays de Nulle Part, les animaux humanoïdes ne sont qu’une partie des créatures de l’univers du jeu, et des PJ en particulier.

Mon deuxième angle est celui de l’ambiance de l’univers. Le médiéval-fantastique et Renaissance-fantastique se taille la part du lion de mon recensement, dont il constitue plus du tiers. Puis, dans des proportions deux fois moindres, viennent le futuriste (dans lequel je range la SF, le space opera et le post-apocalyptique), où les animaux anthropomorphes côtoient, parfois, mutants et races extraterrestres, et l’historique (antiquité, cape et épée, pirates, etc.) éventuellement teinté de fantastique. Un peu plus loin derrière, le contemporain (« policier », entre autres). Ferment la marche les super-héros et quelques inclassables (dont Toon).

Enfin, je distingue les JdR qui forment un ensemble entier, comprenant un univers et un système (c’est le cas de Blacksad ou de Furry Outlaws), de ceux qui sont pensés comme des univers s’appuyant sur un système spécifique (par exemple, Harvesters est une variante de Castles & Crusades, et Historia est conçu comme un univers pour D&D5).

Choisissez votre costume

Médiéval-fantastique

Les animaux de nos campagnes ou de nos villes ne manquent pas d’aventures rôlistiques, dans des décors fictionnels mais qui ressemblent bien à nos contrées : les souris sont à l’honneur dans Mouse Guard / Les légendes de la Garde (2008 en VO, 2014 en VF) d’après la série de BD de Dave Petersen ; souris, taupes, écureuils et autres blaireaux défendent leurs prairies, leurs collines, leurs villes, contre les prédateurs et les désastres du temps, The Book of Cairn (2014), Woodland Warriors (2011) puis Return of the Woodland Warriors (2017). Les chats sont les héros de Caturday (2017), un univers compatible avec D&D5, et de Monarchies of Mau (2018). Si vous préférez les chevaux (voire les pégases ou les licornes), tournez-vous vers Tinies Horsies (2014) et My Little Pony: Tails of Equestria (2016). Quant à Pugmire (2017), c’est un univers post-humain, où les PJ incarnent des chiens anthropomorphes qui cultivent le Culte de l’Homme (qui a disparu de ce monde).

Quelques autres jeux s’inspirent de nos mythes ou de nos cultures, en les déployant dans des univers fictionnels, comme Shard (2009) au parfum des Mille et une nuits, ou World Tree (2000) avec son arbre-univers qui descend indubitablement d’Yggdrasil, l’arbre-monde des mythes nordiques. Et dans Anthro-Adventures (2018) pour D&D5, chaque race est basée sur un animal et sur un livre pour enfants, pour faciliter l’inspiration des jeunes joueurs par rapport à ce qu’ils ont lu par ailleurs.

D’autres jeux se basent sur des univers qui leur sont propres, par exemple une ambiance renaissance-fantastique pour Ironclaw (1999, 2011) et Historia (2019 pour le kit de découverte, 2020 pour le jeu complet), un univers de campagne pour D&D5.

D’autres encore sont des compléments ou des variantes pour d’autres jeux : Harvesters (2010) est une variante de Castles & Crusades où les héros et créatures fantastiques sont remplacés par des animaux, souvent anthropomorphes ; les joueurs de Pathfinder voulant jouer avec des races anthropomorphes tireront profit de Fursona (2011 à 2016, selon la version de Pathfinder avec lequel c’est compatible), un outil pour création de personnages « furries » et autres (mutants, posthumains, etc.), ou d’Agents of A.A.R.F Adventure Path (2018).

Enfin, certains univers de jeu proposent aux joueurs d’incarner des animaux anthropomorphes, qui restent malgré tout minoritaires parmi les créatures du jeu (PJ ou PNJ) : Nightprowler (1995, 2006), World Of Warcraft (2008), ou encore Alkémy grâce à son Guide des Khalimans (2009).

Science-fiction, space-opera et consorts

La science-fiction offre des cadres de jeux où les races anthropomorphiques sont, par exemple, issues d’expériences génétiques menées par des humaines, comme dans Justifiers (1988) et Hc Svnt Dracones / Here Be Dragons (2014). Dans RPCheese (2017), l’humanité a disparu et le monde est régi par des rongeurs, alors que le monde de Kevin and Kell (2005), basé sur le webcomic du même nom par Bill Holbrook, est dominé par les oiseaux. Les chats, eux, sont centraux dans Thundercats (2014), le jeu qui exploite la franchise de la série télé homonyme (Cosmocats, en VF).

Les amateurs de conquête spatiales et d’aventures intergalactiques regarderont du côté d’Other Suns (1983) et d’Albedo (1988, 1993, 2004). Tandis que dans Tigres Volants (2006), on peut croiser les Talvarids, sortes d’ours anthropomorphes.

Plusieurs jeux s’inspirent de bandes dessinées, comics ou dessins animés avec des super-héros animaux anthropomorphes, comme l’iconique Teenage Mutant Ninja Turtles and Other Strangeness (1985), Supermegatopia (2001) inspiré par le webcomic des frères Burke, ou encore Anthropomorphic (2017).

Le post-apocalyptique « furry » est à rechercher du côté d’After The Bomb (1986), un univers alternatif pour Teenage Mutant Ninja Turtles.

Et si vous pensez que des animaux anthropomorphes (rats, souris et salamandres) vivent dans les égouts sous l’île de Manhattan, jouez à Realms of Understreet (2017), un univers de campagne pour D&D5.

Historique, avec ou sans fantastique

Diverses périodes de notre Histoire ont été déclinées en JdR à animaux anthropomorphiques. C’est un Orient antico-médiéval, principalement chinois mais pas seulement, qui sert de cadre à Jadeclaw (2002). Le moyen-âge de Robin des Bois et de ses compagnons de Sherwood vous donne rendez-vous dans Furry Outlaws (1994). Usagi Yojimbo (1997 chez Gold Rush Games ; 2005 chez Sanguine ; et probablement 2020 chez Sanguine, à nouveau, avec le système Apocalypse), inspiré de la série de BD de Stan Sakai, fait vivre le Japon de la période Edo (au début du 17e siècle). Notre 17e siècle baroque, au parfum de cape et d’épée et teinté d’influences de Cyrano de Bergerac est le socle du jeu Le Verbe et l’épée (2000 ; 2004 ; 2005), une création amateur pour le système de Savage Worlds, d’après la série de BD De cape et de crocs d’Ayrolles et Masbou. Dans Fabulas (2007), c’est notre 19ème siècle qui est traversé de magie. Les amateurs de pirates à plumes et à poil, des Caraïbes à la mer de Chine, embarqueront dans Furry Pirates (1999), un jeu « cousin » des Furry Outlaws. Historia Rodentia (2012), un univers pour le système RuneQuest Legend Roleplaying, est une parodie satirique des temps napoléoniens. Aces & Apes (2013) joue avec la Première guerre mondiale et ses combats aériens. Le polar hard-boiled, lui, a les honneurs d’Urban Jungle (2016) qui a pour cadre les années 1920, et de Blacksad (2016), plutôt ancré dans les années 1950.

Atypiques

J’ai gardé pour la fin deux jeux atypiques. Toon (1984) est destiné à vivre autour de la table des aventures de personnages de dessin animé dans une ambiance soutenue et loufoque. Et dans Bunnies & Burrows (1976 ; 1992 pour Gurps ; 2019 pour une campagne de préfinancement), inspiré du roman Watership Down / Les garennes de Watership Down de R. G. Adams, une colonie de lapins lutte pour sa survie face aux prédateurs ; mais il s’agit de lapins intelligents, et non de lapins anthropomorphes, contrairement à Usagi Yojimbo (ou au lapin d’Alice au pays des Merveilles).

Coups de langue et coups de griffe

J’ai pratiqué peu de JdR à animaux anthropomorphiques, faute d’avoir trouvé suffisamment d’autres joueurs prêts à se lancer dans l’expérience. Je ne porterai donc un regard critique que sur quelques-uns d’entre eux, loin d’être représentatifs de la variété que j’ai tenté de vous faire entrevoir plus haut.

Le premier que j’ai testé, et pour l’univers duquel j’ai gardé beaucoup d’affection est l’Usagi Yojimbo de Gold Rush Games. Le système de cette première édition, directement inspiré du système Fuzion, manquait de caractère, mais ne me déplaisait pas. La version suivante, chez Sanguine, d’une plus grande pagination, était également motorisée par un autre système, aux mécanismes bien plus développés, surtout pour le combat ; corollaire, la simulation du combat au katana, sommet des affrontements armés en ces temps de samurais, s’en trouve ralentie, alors que c’est censé être fulgurant (et que la BD rend bien cette fulgurance). La version motorisée par le système Apocalypse promet d’offrir une approche encore différente. Ce Japon d’Edo, sous le crayon de Stan Sakai, est à la portée de tous, même ceux qui n’en ont qu’une connaissance superficielle, et si la série de BD ne vous suffit pas comme creuset d’inspiration, ce ne sont pas les films et les romans qui manquent.

Grand amateur d’univers de pirates, je ne pouvais pas ignorer les Furry Pirates. La lecture de l’ouvrage m’avait rapidement amené à une conclusion sans appel : cette adaptation rôlistique de la piraterie à un contexte d’animaux anthropomorphes me convenait pleinement, les archétypiques animaux collant bien aux traits un peu caricaturaux que je m’en faisais. Le cadre du jeu lui-même, incluant la partie nautique, était présenté avec assez de matière pour jouer sans s’y sentir noyé. Mais le système, le système… Argl ! Inutilement compliqué, et même poussif, il allait à l’encontre de la nécessaire vivacité de l’esprit de swaskbucling.

Ma relation avec Mouse Guard / Les légendes de la Garde (2008 en VO, 2014 en VF) est différente. Séduit par l’ambiance de la série de BD de Petersen, et ayant appris qu’une VF du jeu se préparait, j’avais proposé mes services à l’éditeur de cette VF, pour y contribuer. L’expérience de la coécriture une mini-campagne de 3 scénarios originaux avec Jérôme Larré a été paradoxale : un grand plaisir à collaborer avec Jérôme, et un vrai casse-tête – à la limite du déplaisir – pour faire entrer nos idées dans le schéma très artificiel (à mes yeux, au moins) du système de Mouse Guard. Au point que je n’ai jamais eu envie de chercher des joueurs pour essayer de jouer avec ces règles de jeu. Pourtant, incarner ces souris qui affrontent des périls bien plus grands qu’elles offre de vivre des aventures qui n’ont rien de puéril. Là encore, le système m’a tuer.

Mes derniers coups de cœur en date pour des JdR à animaux anthropomorphiques ont battu pour deux jeux à ambiance polar. Ayant siroté, de longue date, du « noir » à la Chandler et McDonald, je suis dans mon élément avec ces deux jeux. D’abord Blacksad, vers lequel j’ai été porté par la BD dont il s’inspire ; comme pour Usagi Yojimbo, disposer d’un livre de jeu comprenant des illustrations tirées de la BD assure une grande cohérence d’univers entre l’œuvre original et son adaptation ludique. Ensuite, Urban Jungle, moins illustré, ne s’inspire pas d’une source « graphique » extérieure ; sensation curieuse qui s’est installée au fur et à mesure de ma lecture : les illustrations étant plus rares, mon esprit est moins souvent ramené vers le côté « animaux anthropomorphiques » du jeu, et j’en reviens donc à cette approche archétypale – et moins animale – tel personnage est fort comme un lion, bâti comme un taureau, tenace comme un pitbull, malin comme un singe. Alors, peut-être qu’un cocktail Urban Jungle, avec son ambiance noire et ses animaux pas trop animaux, sera l’apéritif idéal pour amener des joueurs vers le JdR furry sans les brusquer ?

Vaincre enfin le signe indien ?

Une question supplémentaire me vient, face à cette production variée de JdR à animaux anthropomorphes : pourquoi un tel décalage entre le succès de ce genre dans la BD « ado » et « adulte » (je pense notamment à De cape et de crocs, Blacksad et Usagi Yjimbo, pour ne citer que ceux-là) et l’insuccès à peu près général de ce genre dans le JdR ? Je ne doute pas que certains de ces jeux puissent rencontrer un succès du moment, un engouement temporaire. Mais je doute de leur installation dans la durée dans le paysage rôlistique : ainsi, quasiment aucun d’entre eux ne peut revendiquer une gamme développée de suppléments.

Que manque-t-il donc aux jeux à animaux anthropomorphiques pour vaincre enfin ce désamour, cette malédiction ?

 

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